Dans le salon, un soir.
- La Peur ferme les rideaux et la porte à double tour.
- La Colère tape du pied.
- La Tristesse soupire dans un coin.
- La Joie fait tourner la musique un peu trop fort.
Peur (chuchotant, inquiète) : « Vous ne vous rendez pas compte… si on laisse porte et fenêtres ouvertes, il peut arriver n’importe quoi. Je suis la seule à veiller ici ? »
Colère (s’emportant) :
« Mais tais-toi un peu avec tes alarmes ! On ne peut pas vivre enfermés ! Moi, je dis qu’il faut réagir, taper du poing sur la table et ne pas se laisser gouverner par des personnes comme toi qui veulent tout contrôler, ce n’est pas normal de laisser faire. »
Tristesse (voix douce, les yeux baissés) :
« Vous vous disputez toujours… et moi, là, je me sens de trop. C’est comme si je n’avais pas ma place ici avec vous. Pourtant, parfois, il faudrait bien m’écouter pour comprendre la belle entente qu’on perd de temps en temps… C’est dommage, mais bon, c’est comme ça. »
Joie (éclatante, sans filtre) :
« Oh, arrêtez tous les trois ! La vie est belle, dansez avec moi ! Pourquoi s’embêter avec vos drames quand on peut célébrer l’instant ? Allez ! »
On sonne à la porte. La Joie ouvre la porte et c’est Surprise qui entre, les yeux grands ouverts.
Surprise (enthousiaste ou inquiète ou agacée ou peinée, on ne sait pas trop) :
« Coucou ! J’ai vu de la lumière. Je dois vous dire, quelque chose vient de se passer… »
Un silence.
Chacun attend la suite. La Surprise se tait, malicieuse. La Peur sursaute, la Colère gronde, la Joie s’excite, la Tristesse se recroqueville. Puis Dégoût qui passe la tête derrière Surprise, grimace et lève le nez.
Dégoût (haussant les épaules) :
« Beurk. Ça, je n’en veux pas. Je vous laisse gérer : soit ça fait peur, soit ça insupporte. Mais moi ça ne me plaît pas du tout ! Je préfère m'en aller. »
Et ils repartent aussitôt, laissant les quatre colocs débattre entre-eux, comme toujours.
Dans ce petit théâtre intérieur, Peur, Colère, Tristesse et Joie sont les habitants permanents de notre psychisme. Surprise, dans tous ses états débarque sans prévenir, comme un déclencheur. Dégoût, lui, fait sensation et ne fait que signaler ce qui est inacceptable, avant de repasser la main.
Pour votre plaisir, voici un rapide portrait-robot des colocs et de leurs invités.
Les 4 colocs
Peur – la gardienne vigilante
Voici Peur. Elle ne parle pas très fort, mais on l’entend souvent murmurer : « Attention… ». Vigilante, elle se tient toujours près des ouvertures, vérifie, contrôle, surveille les bruits suspects. On pourrait croire qu’elle exagère, mais bien souvent, c’est elle qui nous sauve utilement d’un danger réel. Sans elle, on se jetterait parfois tête baissée. Mais quand elle prend trop de place, elle nous empêche d’avancer ou bien elle se précipite totalement angoissée, mais plus souvent elle ferme les portes avant même qu’on ait osé les pousser.
Sa phrase culte : « Attention, ça peut mal tourner… »
Colère – la justicière flamboyante
Colère, elle, n’arrive jamais en silence. Elle claque la porte, tape du poing, fait trembler les murs. Elle déteste l’injustice et on peut compter sur elle pour défendre ce qui compte. Elle est loyale. Quand quelqu’un dépasse les limites, elle est la première à se lever. Mais attention : si elle s’emballe, elle brûle tout sur son passage. Avec elle, c’est toujours intense : elle peut être une alliée précieuse… ou une tempête dévastatrice.
Sa phrase culte : « C’est intolérable, il faut agir ! »
Tristesse – l’âme sensible
Tristesse, on la trouve souvent recroquevillée dans un coin du canapé, un plaid sur les épaules. Elle s’excuse presque d’être là, comme si elle ne méritait pas sa place. Pourtant, c’est grâce à elle qu’on apprend à nous arrêter, à douter utilement, à écouter nos blessures, à chercher du réconfort. Elle nous relie les uns aux autres par la profondeur de ses silences. Mais si on l’invite trop longtemps à s’installer, elle nous entraîne dans son brouillard et rend le monde trop lourd.
Sa phrase culte : « À quoi bon… »
Joie – l’étincelle contagieuse
Puis il y a Joie. Elle entre comme un rayon de soleil, musique à fond, sourire jusqu’aux oreilles. Elle fait danser la coloc, allume les rires et rappelle qu’il y a toujours quelque chose à célébrer. Elle inspire, elle entraîne, elle réchauffe. Mais parfois, elle ne voit pas que certains n’ont pas envie de sourire, et sa légèreté peut sembler déplacée, superficielle. Avec elle, la vie est plus belle, mais il faut parfois lui demander de baisser un peu le volume.
Sa phrase culte : « Allez, viens, faut savoir profiter ! »
Les 2 invités
Dégoût – le critique tranchant
Dégoût, ce n’est pas un coloc permanent, mais il passe souvent à l’improviste. Quand il arrive, il fronce le nez, détourne la tête et dit sans détour : « Ça, c’est insupportable ! ». Grâce à lui, on évite bien des pièges : il sait repérer ce qui est toxique, dangereux ou malsain. Mais il est tranchant, sans filtre, parfois cassant. Il juge vite, fort et parfois de façon excessive. En sa présence, on sait tout de suite ce qui est « trop » ou « de trop ».
Sa phrase culte : « Beurk, ça non ! »
Surprise – l’invitée imprévisible
Et puis il y a Surprise. Elle débarque sans prévenir, les yeux écarquillés, la bouche ouverte. Elle adore bouleverser nos habitudes. Son entrée est brutale, mais jamais neutre : elle ouvre une porte. Selon le moment, elle peut amener Peur, Joie, Colère ou Tristesse avec elle. Elle, c’est la messagère : elle ne reste pas longtemps, mais son passage change toujours la donne. Quand Surprise entre, on ne sait jamais si l’on va rire, pleurer, s'agacer… ou trembler.
Sa phrase culte : « Oh ! Mais tu as vu ça ? »Ensemble, ils forment parfois une coloc bruyante, chaotique, mais essentielle et vivante. Sans l’un d’eux, la maison intérieure perdrait une partie de sa vitalité, de sa générosité et de son charme.
Et chez vous, qui prend le plus de place ?